La sédentarité de notre peuple, les Nouajis, ne date que de quelques décennies. Avant, nous étions nomades. En une cinquantaine d’année seulement, notre peuple a vécu un bouleversement incroyable ! Passer d’une vie « naturelle » à une existence moderne, voici l’histoire de notre génération.
La vie nomade
Il y a encore 50 ans, nous étions des centaines de familles à vivre dans cette partie du Sahara.
Nos grands-parents encore se déplaçaient en caravane comptant parfois 1 millier de dromadaires. Ils vivaient de leurs troupeaux, dormaient sous des tentes confectionnées à la main en laine de dromadaire. Grâce à la vente des animaux, ils pouvaient acheter les produits nécessaires au campement. Sucre, thé, farine et oignons venaient compléter les repas principalement composés de viande et de lait.
Semi-sédentaires, les campements se déplaçaient quelques fois dans l’année, suivant les saisons et les pâturages. Les hommes continuaient le commerce caravanier jusqu’au Mali, au Niger ou encore au Soudan.
Aucun ne connaissait les frontières, ils ne se rendaient en ville que pour les besoins du commerce et vivaient en totale harmonie avec la nature et les éléments.
Vers une vie sédentaire
C’est en 1971 que la situation commença à se dégrader. La construction du barrage de Ouarzazate, vient s’ajouter aux périodes de sécheresse, se faisant de plus en plus fréquentes et virulentes. L’eau devient rare, la végétation ne couvre plus les besoins des troupeaux. Certains de nos grands-parents commencent à rejoindre les villes et villages.
En 1994, un nouvel événement vient aggraver notre situation, la fermeture des frontières entre le Maroc et l’Algérie, confinent les familles restantes dans la toute petite zone du désert de M’Hamid El Guizlane. Le commerce caravanier devient alors impossible. Les troupeaux sont difficiles à maintenir. Sentant la pluie de l’autre côté de la frontière, les bêtes partent mais ne reviennent jamais.
Petit à petit, nos parents se sédentarisent quittant avec regrets leur mode de vie ancestral.
L'appel du désert
Nous sommes, pour certains, nés dans le désert et avons rejoint la ville, petits.
En une génération, nous avons découvert la vie sédentaire, l’agriculture, l’arrivée du téléphone, de la télévision, de la voiture, du train puis de l’avion. Nous avons connu les débuts de l’électroménager, les vêtements manufacturés, les aliments transformés. Nous avons intégré les écoles, utilisé les hôpitaux, fréquenté les administrations. Nous avons eu des papiers. Nous avons découvert le reste du monde grâce aux activités touristiques et aujourd’hui avec internet. Pour vous qui nous lisez, ces changements se sont étendus sur plusieurs millénaires, pour nous, ils se sont concentrés sur une vie !
Aujourd’hui, même si nos familles habitent dans les villes du sud marocain, elles portent encore en elles l'histoire de notre peuple, les coutumes et traditions de notre mode de vie nomade. Elles se souviennent avec émotion des années passées dans le désert et racontent avec nostalgie les anciens circuits que décrivaient les caravanes.
Nomades pour toujours
Nos pieds ont toujours foulé le désert, nos yeux se sont toujours plongés dans l’immensité du Sahara, notre esprit s’est aiguisé sous les tempêtes de sable, notre cœur restera à jamais dans les dunes du désert de M’Hamid.
Aussi, nous souhaitons plus que tout, conserver les savoirs et savoir-faire maîtrisés par nos ancêtres, leur connaissance de la nature et de la nature humaine. Nous sommes guides, cuisiniers, chameliers pour pouvoir encore goûter aux charmes du désert et ainsi le partager avec vous.
Vous pouvez également consulter un passage du livre Les Nouaji, “Touaregs” du Tafilalet marocain écrit par Anna Maria Di Tolla.